DU 21 AU 28 AVRIL 2012
Il nous a suffi de suivre le « plan de départ destiné aux véhicules » concocté par Michel W. Nous rejoignons quelques voitures dont celle de Maryan peu après Nevers, pour les quitter à St Pourçain s/Sioule, dans cette ville que m'avait fait visiter Philippe Barbarin, ancien curé de Boissy St Léger, alors évêque du lieu avant de devenir archevêque de Lyon. L'église Sainte Croix, ancienne prieurale, est un bijou. Petit arrêt traditionnel, en ce jour de marché de sur-croix, pour boire un St Pourçain rouge. Il est temps de repartir et rejoindre à 13h30 une grande partie du groupe sur l'aire du viaduc de Millau. Le "local", Alain Alarcon nous raconte Millau. Michel W. en super organisateur avait prévu bouteilles et tire-bouchons. Même si le temps reste pluvieux, tout ce qu'il faut pour reprendre, de bonne humeur, la route.
L'arrêt suivant, à 900 km de Limeil-Brévannes, est l'hôtel Maritim, à "Rosas" pour les Espagnols, et "Roses" pour les Catalans. Nous y serons quasiment tous à 18h30 comme prévu. Air maritime, chambres très vastes, dont deux réservées aux vélos. Buffet à volonté, coloré à souhait, ce qui engage les excès, sauf Patrice C. insensible aux tentations et respectueux de son régime essentiellement à base de pâtes. Pour d'autres, la nuit sera plus dure, les journées suivantes également, et les WC souvent occupés.
Dimanche matin, 2e test de super organisateur pour Michel W., celui des parcours proposés. Il y en a 3. Ce sera comme ça tous les jours: un de 105 à 110 km, un autre de 76 à 98 km et le 3e de 46 à 56 km. Les "moyens-moyens" de mon genre qui roulent entre 60 et 70 km pourraient être frustrés. C'est sans compter sur la précision des cartes fournies par Michel W. Tout y est, les routes, les chemins, les voies de chemin de fer, les gares, les églises, les distances. Tout pour se concocter un parcours sur mesure. Bravo Michel !
Peu expérimenté, en ce 1er jour, je décide de suivre au maximum les forts, quand l'un des moyens, Alain A. crève. Au bout de 8 km, au premier faux plat, je lâche prise. Mon poumon gauche, dont il ne reste qu'une moitié, m'essoufflera vite dans les côtes pendant tout le séjour. Peu importe, voilà Sant Pere Pescador, puis Toroella, puis la pluie, puis Alain Corsin en face ! Qui s'est trompé de chemin ? Lui ou moi ? Pas moi ! Il fait demi-tour et nous partons ensemble vers San Miquel. A la sortie, près de la gare, nous croisons Roger M. Il en a marre et il revient. Les costauds sont devant. La pluie au-dessus. Les autres derrière. Perdus et mouillés, nous apprendrons à l'arrivée qu'ils sont rentrés. Alain C. me lâche vers Vilaur. Il continue le parcours. Il crève devant les forts, se fait dépanner par des Espagnols. Moi, je coupe pour regagner Castello d'Empuries. Difficile arrivée en côte à Palau. La première vague des costauds me double. Je suis d'autant plus en admiration que cela se passe devant un immense champ de coquelicots. Tapis de fleurs rouges, comme en Hollande. Je bascule. Arrive la seconde vague des forts. Je décide de m'y accrocher. 40, 44, 45 km à l'heure. Jamais je n'ai fait ça. Non seulement je me maintiens, mais aspiré dans le gruppetto, tout me semble facile. Malheureux ! Au deuxième rond-point, l'allure ne faiblit pas. Je suis au milieu et incapable de passer le rond-point à 45 km/h. Je provoque une cassure. Trois mètres, puis quatre. C'est alors qu'une femme inconnue jaillit sur ma gauche. Elle nous fait tous recoller. Elle a pour nom "Gerda". Dernier au rond point suivant, je serai scotché au bitume et incapable de dépasser les 40 km/h. Gerda a tout mon respect ! A l'arrivée, j'ai 72 km au compteur, au lieu de 95, et "sam'suffit" amplement.
L'après-midi est l'occasion de découvrir Roses qui fête avec 24h d'avance la Sant Jordi, fête catalane. « La victoire de Saint Georges sur le dragon du sang duquel jaillit un rosier. Cueillant une rose, il l'offre à sa princesse. En retour, celle-ci lui offre un livre comme témoignage de son amour pour lui. » Les hommes offrent une rose. Les femmes offre un livre, en cette journée devenue la journée internationale du livre. Demain lundi, on va voir des stands de roses et de livres dans tous les villages traversés.
Lundi. Le col du monastère de Sant Pere de Rodes est au programme. Puis un deuxième col plus facile. Sont prévus 42 km de plaine auparavant pour les moyens et 72 km pour les forts. C'est trop pour moi. Je m'attribue 27 km de plaine. C'est suffisant. Les « moyens » du jour, Michel C., Emmanuel, Roger M... me doubleront donc deux fois. La montée vers Sant Pere de Rodes, c'est une montée sans faux plat. Sans endroit pour respirer. Mes poumons crient à l'étouffement. Tous les kilomètres, je dois m'arrêter et respirer. Ma tête me tourne. Est-ce un manque d'oxygène ? Il me faut une heure et quart pour effectuer les 8 km ! Récompense, la vue est fantastique des deux côtés. La descente le long du monastère également. De nombreux trous, nids de poules ou nids de dindons plutôt, me ralentissent. J'apprendrai le soir que Daniel Pillavoine a effectué la descente à 60 km/h. Entre les trous, et parmi les gravillons ! L'arrivée à Port de la Selva est reposante. Petit détour pour remplir les deux bidons vides et acheter de la pâte de coing du pays. Heureux détour. J'apprendrai le soir que Pascal L. en crise de fringale sera scotché à la route. Je suis arrivé dans ses roues à Rosas. Trop tard pour le ravitailler. Le deuxième col était facile. Mais le soi-disant plateau de 4 km était éprouvant. Un très fort vent sur un terrain très vallonné. Les pré-virages à 29 km/h avec le vent précédaient les post-virages à 17 km/h. Le tout effectué à la même puissance. Une bonne descente. Une bonne douche. A la soupe. Et aux souvenirs de chacun.
Programme de l'après-midi ? Laurence, p'tit Gilles, Arlette et moi-même, nous voilà en balade guidée par Daniel Pillavoine. Il connait tout. Il a organisé des randonnées sur la côte, à pied. Il a vécu à Cadaquès. Il en connait toutes les ruelles et les maisons. Il a campé sur la plage de Port Ligat, face à la maison de Dali. Son cousin y a même été invité. Mais pas lui. Il connait le Cap Créus. A connu le club Méd, aujourd'hui démoli. Je me suis même demandé, si je soulevais un gros caillou, est-ce qu'il ne serait pas capable de me dire ce qu'il y a en dessous. Le peu qu'il ne connaissait pas, c'est à dire la route de la plage de Monjoi, il ira le découvrir, seul en vélo, le vendredi. Époustouflant ce mec !

Mardi. Pour les moyens, petit parcours pépère. Pépère ? Faut-il encore savoir lire une carte et ne pas jouer au lièvre et à la tortue. Le parcours doit nous conduire à Escola en passant par Albons. Des furies sont à la tête du peloton. Tout le monde tourne trop tôt à l'Arbre sec. Je suis seul sur la route. Rejoint par les lièvres furieux, qui poussent à fond au moment de me doubler. Peu après, ils se trompent une deuxième fois à Villadamat. On me signale qu'Isabelle a décroché, avec Boubou. Arlette et Jean-Michel les ont rejoints. Je les attends sur la route d'Albons. Nous finirons tous ensemble en nous octroyant une pause spectacle sur la mer du haut de la falaise. Pause casse-croûte également. Nous y croiserons les autres « moyens » sur leur retour.
Après-midi au musée Dali à Figueres pour Arlette et moi. Il n'y a rien à dire sur le musée. Il faut le voir. Le découvrir. En observer les multiples détails cachés.
Mercredi. C'était une journée prévue comme "montagne". Ce fut la seule erreur de Maître Warin. La route est quasiment plate jusqu'à Espolla. Là, il faut prendre le chemin indiqué par Els Solers. Un restaurateur me l'indique. Son chemin me mènera dans la garrigue au bout de 3 km. Retour. Des ouvriers m'en indiquent un autre. Il s'avère impraticable au bout d'un kilomètre dans les vignes. Retour à nouveau. Un jogger m'en indique un troisième, qu'il emprunte souvent: « très difficile ». Oui, même impossible si je redoute les crevaisons. Il reste la route. Elle mène à El Vilars après un mur à 15% ou plus. C'est un cul de sac ! Il ne reste plus qu'à faire demi-tour, et à me retrouver avec 62 km au compteur à l'arrivée. Explication de Maître Warin: « J'ai oublié de changer le parcours de l'an dernier. Il y a maintenant une route de Capmany à Cantallops. Les anciens auraient dû s'en souvenir. C'est vrai que ce n'était pas possible pour un nouveau comme toi ! » Eh oui, sans route sur le plan !...

L'après-midi sera ludique. On a tous embarqué sur le « Cadaquès Express ». Train de la montagne, sur pneus. Embarqué avec Arlette derrière le chauffeur, nous avons été brinquebalés, ballottés, secoués au gré des creux, et des roues qui sortaient de la route. On est monté là-haut sur la montagne. Tchou-tchou. Demi-tour à la plage Montjoi. Restaurant 3 macarons Michelin, fermé 6 mois par an. Je voulais y aller au retour. Impossible. « El Bulli, qui reçoit chaque année 2 millions de demandes venues des quatre coins du monde, ouvre ses portes six mois par an, d'avril à septembre, pour servir 8 000 chanceux, qui auront le droit de payer 300 euros pour déguster un menu de 25 plats (ou plutôt 25 miniatures) parmi lesquels on pourra trouver de l'air de carotte, un sorbet grillé au barbecue, une viande accompagnée d'une seringue hypodermique pleine de sauce, des guimauves de parmesan, du caramel d'huile de courge, des bonbons à l'huile de potiron, du croquant d'algue, des pétales de rose en tempura, des pastilles glacées au whisky sour, des sorbets aux amandes parfumés à l'ail ou encore de la nougatine aux algues ».

Jeudi. Avec Arlette, nous avons préféré le cyclotourisme à une cyclo-sportive. Venir si loin sans visiter, ce serait dommage. Quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins...
à bicyclette !... On est parti sur Castello d'Empuries. On a eu la chance d'avoir un récit précis sur cette ville marquée par les Français. L'église paroissiale gothique Santa Maria possède la structure et les dimensions d'une cathédrale, titre dont elle ne peut s'enorgueillir malgré les diverses tentatives des Comtes d'Empúries. Afin d'être financée par l'État, elle a obtenu en 2008 le titre de basilique. Elle a tout d'une cathédrale gothique pure. Un beau portail de marbre. Des singuliers fonts baptismaux romans. Le petit et le grand, où ont été baptisés au XIIe siècle des juifs afin d'échapper à leur expulsion. Un remarquable retable majeur d'albâtre venu de Bourgogne. Une chapelle baroque en bois construite par les Français. Au gré des ruelles, on visite la prison avec de nombreux détails sur l'importance du nombre de juifs avant le Moyen-Âge, dont le cimetière notamment, qui a été démoli et les pierres tombales récupérées pour construire des maisons. Le permanent de l'Office du Tourisme nous a dit comme il se sent avant tout Catalan et non Espagnol. Le catalan est la langue des classes primaires. L'espagnol, comme le français sont des langues vivantes apprises dans le secondaire. Les maisons laissées par les républicains, les démocrates et les communistes au moment de leur fuite en France ont été et sont toujours occupées par des franquistes montés du Sud. De nombreux Catalans d'aujourd'hui sont donc de faux Catalans sans droit de propriété, et donc habitants des maisons invendables.

L'après-midi sera épique. Tous ou presque embarqués sur un catamaran. Si les cyclistes jonglent dans les cols et les terrains vallonnés, ils font piètre figure en mer. Mis à part Alain V., Arlette et Jean-René pour qui foc, génois, trinquette ne sont pas à confondre avec le spi, et pour qui les drisses et les ris n'ont aucun secret, les autres avaient l'air de vivre une aventure nouvelle et effrayante. Aux gerbes d'eau de mer, succèdent d'autres gerbes plus colorées. Les têtes blanchissent. La mer n'est pas si mauvaise, agréable pour le pêcheur que je suis. Oui, on aurait pu danser ou pêcher... Que nenni! On compte les malades. Je propose au capitaine de nous mettre la musique du Titanic. Il ne l'a pas. Bonne idée, il se la procurera prochainement. L'apéritif de bière, sangria et nanahuètes est servi devant la maison de Dali dans la baie de Port Ligatt. Le retour est du même acabit question malades de la mer. Il n'est pas sûr que Michel W. recommence l'expérience à l'avenir.
Vendredi. Partis à l'heure, 8h30 pile, avec Lucien B. et Michel B., nous sommes rattrapés vers Palau par les costauds. Ils vont m'emmener à 28 km/h, pendant 14 km jusqu'à la première montée à Rabos. Il me reste 16 km pour atteindre seul le col de Banyuls. Surprise. A la première montée, je croise Roger M. Il n'a pas la moelle !... Pourtant c'est un col assez facile en fait. De nombreux faux plats. De vrais plats. Même des descentes. Mes poumons peuvent respirer. Je me fais doubler petit à petit par des costauds du groupe bordelais qui partagent notre hôtel. A 2 km du but, je croise Alain C. Il pense qu'un de nous deux est perdu. Et non, Alain, tu es plus fort que moi ! Près du but, le cinquième raidillon à 9 ou 10%, puis le col. Je suis en France. Tout là-haut, au bord de la mer, à Banyuls-sur-Mer. L'organisatrice du groupe bordelais, la prof de danse, chouchoute ses sportifs. Ils vont tous aller manger dans un même restaurant. Je prends le temps de lire tous les panneaux sur les réfugiés anti-franquistes, passés à pied, par ce col. Je renonce à la suite du parcours, faite de plusieurs cols. Alors, va pour la descente. Elle s'annonce agréable avec ses faux plats, ses petits bouts de remontées. A 3,1 km du col, je croise Isabelle et Boubou. Ils vont arriver au bout.

L'après-midi est consacré à un tournoi de pétanque. Les équipes sont tirées au sort. Il y a au moins 10 ans que je n'ai pas touché une paire de boules. D'autres s'en chargent à ma place ! 10 minutes d'essai. Pointer me parait difficile. Tirer, c'est hors de question. Je ne fais carreau qu'une fois sur 10, environ. J'ai Michel C. comme partenaire. Michel tire. Ou s'entraine à tirer. J'essaye de pointer. Nous perdons mais de suffisamment peu la première partie, de telle sorte que nous sommes les premiers repêchés. Je pointe de mieux en mieux. Alors la suite roulera comme boule de pétanque vers son petit. Nous passons le deuxième tour, la demi-finale puis nous gagnons la finale contre Guy B. et Jacky le Belge. Je suppose que la succession de cols en a fatigué plus d'un.
Soirée dansante. Rocks et cours de danse. Puis dodo. Demain le retour.
Après la remontée par la côte le long de la mer, arrêt à Collioure puis à Béziers pour y coucher. Fête de la mascotte locale, le chameau de St Aphrodise, venu d'Egypte, évangéliser Béziers. Le lendemain coucher au Caylar, pour bien nous imprégner de ce Languedoc, dans lequel je reviendrai peut-être finir mes jours.
Jean-Pierre G.
PS: Un grand merci à Manu et à Louis le Belge pour les photos!...
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